dimanche 25 juin 2006

La discontinuité de la conscience

La perception : prélude à l'action

Si vous prêtez attention à votre environnement, vous vous rendrez compte assez vite que vous n'êtes pas attentif à tout ce que vous percevez, seulement à ce qui entre en résonance avec une réaction intérieure . Ces multiples stimulations d'origine inconsciente, en interaction avec la mémoire, la votre et celle de l'espèce, permettent d'abord d'identifier ce qui dans l'environnement situe notre action. Dans ce but, chaque individu intègre des stimuli générant des émotions (emotionally competent stimulus, ECS) auxquels il réagit en permanence inconsciemment. Ce sont des routes comportementales déjà tracées depuis l'état foetal et reliées à des perceptions nouvelles. Le processus de la perception agrandi le réseau routier existant. Ce travail de préparation nous donne la capacité, certes paradoxale, de "connaître" une situation avant d'en avoir pris conscience, simplement à partir d'une stimulation de la mémoire déjà formée (expérience de Benjamin Libet sur l'activité neuronale). Ce processus d’intégration de la réalité, nécessaire à la survie, développe ainsi une "identification intérieure du monde" - une carte neuronale - dont le tracé se renforcera avec la fréquence de la perception. Ce processus inconscient nous rend la réalité familière, donc plus rapidement identifiable pour l'action. C'est le noyau de la conscience. Car ce qui est déjà connu intérieurement facilite l’adaptation du comportement.

La réaction de la pensée

La perception devient consciente au bout d'environ 500 millisecondes. Dès lors nous appréhendons immédiatement les multiples possibilités de notre action dans notre environnement. La mémoire très vite peut ainsi apporter des réponses. Voyez de quelle façon alors votre esprit ne reste pas immobile. Cette identification active de la conscience, en effet, produit une énergie émotionnelle, une tension, une mise en alerte stimulant la mémoire par les circuits de la récompense et de la punition (système agmydalien). Ce mécanisme d'enregistrement met en action une capacité nouvelle : la pensée. Il s'agit plus exactement d'une forme de reconstruction de la mémoire en fonction de l'énergie inhibante ou gratifiante. Le lobe frontal de notre cerveau, en effet, est capable d'inhiber ou d'entretenir cette énergie émotionnelle pour répondre à un défi intellectuel ou coordonner une chaîne d'actions. Les expériences d'Antonio Damasio ont permis d'observer, en effet, qu'un déficit de communication entre le système limbique (qui contrôle l'émotion) et le lobe frontal se traduisait par une déficience de la pensée décisionnelle et de la notion de temps qui y est attachée. La réactivité émotionnelle donne aussi l'illusion de la nouveauté. Mêmes nos pensées les plus ressassées nous semblent dignes d’un attrait renouvelé. Nous réagissons à une énergie nouvelle qui apporte une discontinuité au mouvement de la conscience.

Donc, pour fonctionner, la pensée a besoin d'énergie, c'est la réaction du système limbique (l'émotion) qui lui fournit cette énergie et du même coup son orientation consciente. A savoir, l'exigence de tous les mammifères dits supérieurs : principalement la recherche de la gratification, l'auto-protection dans un temps et un espace ritualisés, le refus de perdre le confort de l'habitude gratifiante et la fuite pour échapper au danger. L'expérience de Damasio montre que la pensée est tributaire de ces émotions premières dans son processus de décision. Ce n'est que dans un second temps que les mécanismes inhibiteurs se mettent en actionpour permettre au raisonnement de se construire. Il suffit d'observer nos relations sociales pour en constater l'évidence. L'action est alimentée, en effet, par le désir de reconnaissance, la recherche de la gratification sous forme de diplômes, de satisfactions sexuelles, mais aussi de mieux-être, d'intentions de voyages, de désir de possessions ou de sensations, etc. C'est après coup que la raison place un garde fou.

Dans les faits, la pensée est une réaction à une proposition préalable de la mémoire. Cette réaction crée aussi un schèma de conscience très particulier, fondé sur la confrontation de l'information provenant des centres émotionnels, plus rapides que la conscience, mais dont l'énergie alimente la pensée, sollicitant en même temps la mise en oeuvre des mécanismes inhibiteurs du lobe frontal.

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